Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
Paris.—IMP. DE LA LIBRAIRIE NOUVELLE.—Bourdilliat, 15, rue Breda.
MÉMOIRES
DE
CÉLESTE
MOGADOR
TOME DEUXIÈME
PARIS
LIBRAIRIE NOUVELLE
BOULEVARD DES ITALIENS, 15
La traduction et la reproduction sont réservées.
1858
MÉMOIRES
DE
CÉLESTE MOGADOR
XII
LA REINE POMARÉ.
(Suite.)
On me conduisit à Beaumarchais, où l'on mereçut d'une façon charmante, quand j'eus dit queje m'appelais Mogador.
Je fus engagée; je répétai le lendemain dansune revue, où je me jouais moi-même et où jedansais à la fin la mazourka. Mon costume étaitdélicieux. Je débutai le même soir que Pomaré;j'eus beaucoup de succès dans la danse.
6J'appris le lendemain que Pomaré avait étésifflée à outrance. Je lus quelques journaux où onl'accablait de mauvais compliments et de railleries.Les journalistes traitent les femmes commeles gouvernements: ils les inventent; après lesavoir inventées, ils les prônent; après les avoirprônées, ils veulent les défaire. Si ces réputations,qui sont leur ouvrage, résistent, ils se déchaînent,insultent, méprisent; ils crient à la dépravation.
Mais, messieurs, si cette dépravation, dont oncommence à s'effrayer, a fait tant de progrès,c'est un peu votre faute.
Autrefois, il n'y avait qu'un ou deux bals publics;pourquoi y en a-t-il dix aujourd'hui? Acause des célébrités que vous vous êtes amusés àcréer à temps perdu, et quand vous ne saviez quefaire. Cette gloire de clinquant a trouvé des envieuses;des milliers de jeunes filles sont entraînéesdans les bals publics par l'appât de cet éclatmenteur! Elles font tout au monde pour qu'onles regarde et pour que vous disiez leurs noms.
Les jeunes gens de famille vont voir ces combats,ces assauts de jambes; comment voulez-vousqu'ils gardent leur raison au milieu de cesjeunes femmes, dont quelques-unes sont charmantes?Ils s'enivrent ensemble de la même folie.
7Pomaré avait une voiture; toutes veulent enavoir, beaucoup en ont. Les Champs-Élyséescomptent tous les jours dix promeneuses nouvelles,élégantes, hardies.
Ce luxe fait mal à voir, je le confesse, quand onsonge que beaucoup de femmes, qui n'ont pasune faute à se reprocher, végètent dans la misèreou dans la gêne avec leurs familles.
Les vaudevillistes et les dramaturges, toujours àl'affût des passions qu'on