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257

No 3736.—72e Année.

10 Octobre 1914

Prix du Numéro:

Un Franc

L'ILLUSTRATION

Journal Universel

HEBDOMADAIRE


R. BASCHET, Directeur-Gérant


13, Rue Saint-Georges

Paris

258

LES GRANDES HEURES


UNE AUTRE VIE

Impropres au service militaire et demeurés dans les villes, tous, tantque nous sommes, même ceux qui n’ont rien modifié à leurs habitudes,nous menons cependant depuis deux mois «une autre vie».

A la première minute du réveil cela commence. Nous ouvrons des yeuxmal assurés. L’esprit remonte à la surface, avec une anxiété assoupieencore.—«Qu’y a-t-il donc? Il y a quelque chose...» Et, tout de suite,le mot... le mot redoutable tombe dans le jour indifférent qui naît,comme une lourde pierre dans l’eau d’un lac: la guerre...

La guerre! Voilà ce qui prend, étreint, opprime, obsède, poursuitsans relâche. C’est l’idée dominante qui préside à tout ce que nousfaisons, à nos travaux accomplis dans la fièvre, comme à nos amerset rares loisirs pris à regret. La guerre!... Pensée de Nessus quibrûle et dévore! S’y arrêter nous terrifie, nous ensanglante et nousmartyrise. S’en écarter nous coûte et nous est un reproche affreuxd’égoïsme, de lâcheté, presque un remords. Ainsi nous allons d’un partià l’autre, jamais soulagés, toujours mécontents de nous-mêmes. Le calmedu voisin—que nous ne savons pas observer—nous étonne et parfois nousirrite, surtout quand nous ne le comprenons pas... et avec la mêmeinjustice nous condamnons l’excitation, la nervosité, les transports,tous les mouvements, même généreux, des irréfléchis et des désordonnés.Presque tous, nous pouvons même dire tous, nous sommes dédoublés, etsouvent plusieurs fois... Tous nous avons un fils, ou un frère, ou unparent, ou un ami, ou beaucoup d’amis qui sont au peuple des armées.Le plus obscur, le plus humble des Français, sans relations, ne peutmême pas, à cette heure, entreprendre le compte de ceux qu’il connaît,auxquels il est attaché et qui luttent sous les drapeaux... parce quecela serait trop long et que ce calcul le plongerait dans un inutile etcoupable découragement.

Malgré tout il faut vivre. Nous vivons donc. Nous vivons cette autrevie, cette vie brusque et nouvelle. Mais dans quelles conditions?Nous la vivons dans autrui, dans ces «nôtres». dans ces «meilleurs denous» qui nous sont si précieux et si chers. Nous la vivons par eux,à travers eux, pour eux... Ils sont là, visibles et présents, auxavant-postes de nos craintes, montant la garde au seuil de nos espoirs,sentinelles de nos desseins, comme nous—par l’esprit, par le cœur,les souhaits, le vœu, l’invocation, l’élan de l’âme et la prièreinterrompue, même aux instants où elle n’est plus formulée—nous sommesleurs écl

...

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