LES AMOURS
DU CHEVALIER
DE FAUBLAS
TOME TROISIÈME
PARIS, M DCCC LXXXIV
PAR
LOUVET DE COUVRAY
AVEC UNE
PRÉFACE PAR HIPPOLYTE FOURNIER
Dessins de Paul Avril
GRAVÉS A L'EAU-FORTE PAR MONZIÈS
PARIS
LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES
Rue Saint-Honoré, 338
M DCCC LXXXIV
L'auguste cérémonie s'achevoit. Dansun discours qui m'avoit paru long,l'éloquent ministre venoit de nous recommanderdes vertus que je necroyois pas difficiles. Sophie me nommoit sonépoux; ma bouche répétoit à Sophie un sermentqu'avouoit mon cœur, lorsque la voûte sacréeretentit d'un cri lamentable et perçant.
Chacun se retourne effrayé. Déjà, loin des spectateursétonnés, s'est élancé vers les portes dutemple un jeune homme dont je n'aperçois plusque l'uniforme bleu.
On l'a vu, quelques instans auparavant, entrerprécipitamment, brusquement fendre la foule,s'approcher de l'autel avec la plus grande agitation.Ses regards sont tombés sur Sophie; d'unevoix plaintive il a dit: C'est donc elle! et puisil a poussé ce long gémissement dont mon cœurs'est ému. Inquiet et curieux, je veux voler à lui,mon père s'y oppose et m'arrête; mais mon généreuxami, mon cher compagnon d'armes et d'amour,Derneval, plus libre et moins alarmé quemoi peut-être, Derneval court aussitôt sur lestraces de l'inconnu.
C'est pendant le tumulte momentané causé parcet événement étrange que Sophie se penche àmon oreille et me dit en tremblant: O mon ami,prends garde à moi!
J'allois lui répondre, j'allois l'interroger, quandM. Duportail, un moment distrait dans le troublegénéral, mais apparemment aussitôt rappelé par lemouvement qu'il a vu faire à sa fille, vient reprendreauprès d'elle la place que peut-être il se repentd'avoir un instant quittée. Je le vois lancerun regard sévère sur ma timide épouse, qui baisseles yeux en pâlissant. Une foule de réflexionscruelles tourmentent mes esprits dans le courtespace de temps qu'emploie le ministre pour terminerla cérémonie.
«Quoi! Derneval, mon ami! quoi! sitôt deretour!… Eh bien! ce jeune homme? le connoissez-vous?Quel est-il? que veut-il? que vousa-t-il dit?—Mon cher Faublas, ses gens luitenoient dans le cloître un cheval tout prêt, il étoitau bout de la rue avant que je fusse à la porte dutemple.—Et vous ignorez ce qu'il est devenu?—Monami, il couroit au galop, et j'étois à pied:à tout hasard je me serois volontiers jeté dans lavoiture qui a condui