L'ILLUSTRATIONSAMEDI 7 MARS 1891.49e année--Nº 2506
THÉÂTRE DU GYMNASE.--«Musotte», comédie en trois actes,
de MM. Guy de Maupassant et Jacques Normand Jean Martinel (M. Duflos)
arrivant chez Musotte (Mlle Raphaële Sizos),--2e acte.
E suis encore tout étourdi des événements, déjà lointains pourtant etquasi oubliés, de la semaine passée. Quel étrange moment de notrehistoire! Je sais des millions de gens paisibles qui s'endorment, commemoi, confiants dans la paix, le calme apparent, la raison, et qui sontexposés à se réveiller au coup de clairon ou au coup de cornet à bouquind'une aventure.
Plus nous allons, plus la marche des choses appartient à quelquespersonnalités tapageuses en quête d'un tremplin.
Oh! les tremplins! Le clown Lavater sautait, au Cirque, sept ou huitchevaux sans tremplin aucun. Il faut des tremplins à nos affamés derenommée pour faire naître, consolider ou redorer leur gloire. Tremplin,l'affaire de Thermidor. Tremplin, le voyage de l'impératrice Frédéric.La souveraine, qui a un peu trop traversé Saint-Cloud et visitéVersailles comme une Anglaise voiturée par l'agence Cook, est partiesans avoir rencontré à Paris un autre sentiment que celui qu'on doit àune femme, et seuls quelques tremplinistes ont manifesté. Nos peintresn'iront pas à Berlin et, perdant le tremplin que donne toute exhibitionofficielle, ont fourni un autre tremplin à ceux qui représentent lesjustes susceptibilités de l'orgueil national. La moralité de l'aventure,c'est que ceux qui se taisent payent pour ceux qui crient--même enFrance--et qu'en Alsace-Lorraine ils payent encore plus cher.
Le sentiment patriotique est, d'ailleurs, une de ces fiertés auxquellesil ne faut pas toucher. Il en est de même de la morale. Elle est ou ellen'est pas. Et voilà que la Chambre des députés, convaincue de la véritéde ce précepte, a condamné par un vote le pari mutuel aux courses.
Plus de paris, plus de jeu, plus de bookmakers, plus de courses! Au direde M. de Kergorlay et du prince de Sagan, c'est un effondrement, unecatastrophe. Comment les Courses vivront-elles si elles ne sont pasalimentées par l'Argent? et si les Courses tombent ou sont suspenduescomme une pièce qui déplaît, comment nos haras pourront-ils subsister?Où notre cavalerie trouvera-t-elle des chevaux? Nous voilà tributairesde la Hongrie. Et cela parce qu'en vérité les bookmakers ont, comme ondit, trop tiré sur la corde et abusé de la passion du jeu qui est unedes fièvres de l'humanité.
Et non pas une fièvre intermittente. Non. Elle est dans le sang.L'enfant joue aux billes, le jeune homme aux cartes, les vieilles gensaux dominos.
--Si l'on ne joue pas aux courses on jouera ailleurs, dit le prince deSagan, protestant contre le rôle de la Chambre.
Les Courses, c'est la maison de jeu au soleil (ou à la pluie); c'est leplein air du baccarat. Mieux vaut encore ce tapis vert que le tapisfranc des maisons louches. Mais quoi! il n'y a rien à dire contre unvote appuyé par la morale. La chambre, en bonne bourgeoise honnête, aproscrit le jeu au Grand-Prix comme la police le proscrit elle-même dansles tables d'hôtes des horizontales vieillies. Ce n'est que le 8mars--demain, dimanche--que la nouvelle loi sera appliquée. Il seracurieux, le Grand-Prix de Paris de 1891, le Grand-Prix de Paris moral!
--Ce ne sera plus le Grand-Pr