PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
3, RUE AUBER, 3
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Stendhal avait fait copier, dans les archives du Vatican, plusieursmanuscrits contenant l'analyse de procès célèbres ou d'aventuresscandaleuses des petites cours d'Italie. La soeur de Stendhal, après lamort de l'auteur de la Chartreuse de Parme, cherchait à vendre cesmanuscrits. Mérimée s'adressa à M. Panizzi, qui était alors conservateurdes imprimés du British Museum, et lui écrivit, le 31 décembre 1850, lapremière des lettres contenues dans ces deux volumes.
Tel fut le point de départ d'une correspondance qui ne devait êtreinterrompue que par la mort de Mérimée, et qui constitue une oeuvre dela plus haute valeur et de l'intérêt le plus puissant.
Au point de vue littéraire, cela va sans dire: ces lettres sont deMérimée; mais cette publication présente un caractère particulier, uncaractère complètement inattendu; elle va révéler un nouveau Mérimée, unMérimée politique. La longue suite de ces lettres est, en somme, unevéritable histoire du second empire, écrite par l'auteur de Carmen etde Colomba. Quel témoin pourrait-on souhaiter plus brillant et mieuxrenseigné? Vivant dans l'étroite intimité de l'empereur et del'impératrice, placé au premier rang pour tout voir et tout savoir,Mérimée rapportait fidèlement à son ami Panizzi tout ce qu'il voyait ettout ce qu'il savait. Et, comme il avait en son correspondant la plusentière confiance, il lui disait aussi tout ce qu'il pensait. Voilàcomment l'histoire de l'Empire venait se glisser, au jour le jour, sousla plume de Mérimée, dans l'abandon d'une affectueuse causerie, et voilàpourquoi ces deux volumes pourraient avoir pour titre: le Second Empireraconté par Mérimée.
Mérimée ne se bornait pas à écrire l'histoire de son temps. Il y étaitmêlé très étroitement et très activement. Il faisait lui-même del'histoire. Ce sera la grande surprise, ce que nous pourrions appeler lecoup de théâtre de cette publication.
Il est pour les souverains une tentation si forte, qu'ils y échappenttrès rarement. C'est un vrai plaisir de roi que de faire personnellementde la politique extérieure, en dehors et à l'insu de son ministre desaffaires étrangères et de ses ambassadeurs attitrés, quelquefois mêmecontre ce ministre et contre ces ambassadeurs. On a lu le bel ouvrage deM. le duc de Broglie, le Secret du roi, cette piquante et profondeétude sur la diplomatie secrète de Louis XV. Eh bien, Napoléon IIIavait, lui aussi, un très vif penchant pour la politique personnelle.Son esprit était sans cesse hanté par ce rêve de refaire la carte del'Europe, et l'on peut dire que l'empereur Napoléon III a continué surle trône la conspiration ce que le prince Louis Bonaparte avaitcommencée dans l'exil.
Dans un récent article de la Revue des Deux Mondes, M. Cherbuliez acrayonné une esquisse très fine et très ressemblante de l'empereurNapoléon III.
«C'était, dit-il, un grand essayeur, un joueur téméraire et fantaisistequi ne proportionnait pas les chances du jeu à l'importance de l'enjeu.Napoléon III avait l'âme aventureuse. Longtemps