JACQUES BAINVILLE
PARIS
ARTHÈME FAYARD & Cie, ÉDITEURS
26-29, Rue du Saint-Gothard.
Copyright by Jacques Bainville, 1924.
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptationréservés pour tous pays, y compris la Russie.
DU MÊME AUTEUR
Il a été tiré de cet ouvrage:
Vingt-cinq exemplaires
sur papier de Hollande Van Gelder Zonen
numérotés de 1 à 25.
Soixante-quinze exemplaires
sur papier vélin pur fil des Papeteries Lafuna
numérotés de 26 à 100.
L'édition originale a été imprimée sur papier alfa.
Si les lecteurs veulent bien le lui permettre, l'auteur de ce livrecommencera par une confession. Quand il était au collège, iln'aimait pas beaucoup l'histoire. Elle lui inspirait de l'ennui. Etquand le goût lui en est venu plus tard, il s'est rendu compte d'unechose: c'est qu'il répugnait à la narration des faits alignés, les unsau bout des autres. On ne lui avait jamais dit, ou bien on ne luiavait dit que d'une manière convenue et insuffisante, pourquoi lespeuples faisaient des guerres et des révolutions, pourquoi leshommes se battaient, se tuaient, se réconciliaient. L'histoire étaitun tissu de drames sans suite, une mêlée, un chaos oùl'intelligence ne discernait rien.
Est-il vrai qu'il faille enseigner l'histoire aux enfants sans qu'ilsla comprennent et de façon à meubler leur mémoire de quelquesdates et de quelques événements? C'est extrêmement douteux.On ne s'y prendrait pas autrement si l'on voulait tuer l'intérêt. Entout cas, un âge vient, et très vite, où l'on a besoin d'un filconducteur, où l'on soupçonne que les hommes d'autrefoisressemblaient à ceux d'aujourd'hui et que leurs actions avaientdes motifs pareils aux nôtres. On cherche alors la raison de toutce qu'ils ont fait et dont le récit purement chronologiqueest insipide ou incohérent.
En écrivant une histoire de France, c'est à ce besoin de l'espritque nous avons essayé de répondre. Nous avons voulu d'abord yrépondre pour nous-même et à cette fin dégager, avec le plus declarté possible, les causes et les effets.
Nous n'avons pas tenté une œuvre originale: on peut éclaircirl'histoire, on ne la renouvelle pas. Nous n'avons pas non plussoutenu une thèse. Nous nous sommes efforcé de montrercomment les choses s'étaient produites, quelles conséquences enétaient résultées, pourquoi, à tel moment, telle décision avait étéprise plutôt que telle autre. Ce qu'on découvre, au bout de cetteanalyse, c'est qu'il n'est pas facile de conduire les peuples, qu'iln'est pas facile non plus de fonder et de conserver un Etat commel'Etat français, et l'on en garde, en définitive, beaucoupd'indulgence pour les gouvernements.
Peut-être ce sentiment est-il la garantie de notre impartialité.Mais comment serions-nous de parti pris puisque notre objet estde présenter dans leur enchaînement les événements de notrehistoire? Nous ne pouvons la juger que par ses résultats. Et,comparant notre condition à celle