L'Illustration, No. 3255, 15 Juillet 1905


(Agrandissement)

Ce numéro contient quatre pages supplémentaires sur
lesFêtes franco-anglaises de Brest.



LE "FARFADET" AU FOND DU LAC DE BIZERTE
Les scaphandriers passant des chaînes et des câbles sous la coque dusous-marin pour tenter de sauver les douze hommes emprisonnés dans cecercueil d'acier.

(Voir l'article et les photographies, page 45)

Les grandes actualités de cette semaine (Fêtes franco-anglaises deBrest, Catastrophe du «Farfadet», Révolte et reddition du«Kniaz-Potemkine») remplissent tout ce numéro, augmenté pourtant dequatre pages supplémentaires. Nous sommes ainsi obligés de renvoyer à lasemaine prochaine la suite de l'amusant récit de Voyage en Norvège qu'aécrit pour L'Illustration M. Brieux, le célèbre auteur dramatique.


COURRIER DE PARIS

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Chattanooga, Brooklyn, Galveston... Je revois ces noms, imprimés enlettres d'or, au turban des calottes noires; et la vision me hante deces grands garçons aux faces rasées, tout de noir vêtus, avec leursjambières kaki, leurs cartouchières, leurs gourdes en toile blanche etportant, au bout du fusil, la baïonnette courte, «trapue» comme unpoignard. Il y a de cela huit jours déjà. Ils descendaient l'avenue desChamps-Elysées, lentement, autour d'un catafalque attelé de six chevaux,joyeusement pavoisé et sur lequel s'amoncelaient des gerbes d'orchidéeset de roses. Ils promenaient sur la ville et sur les gens des yeuxsurpris. Nous étions leur spectacle; ils étaient le nôtre. Et, le soirmême, ils s'en allaient. Maintenant, ils naviguent et, depuis six jours,bercés dans leurs couchettes de cordes, ils rêvent de Paris.

Je ne les plains pas. Ils auront passé sur l'eau quinze jours et deuxnuits en chemin de fer pour vivre une demi-journée dans Paris; mais,cette demi-journée-là, n'a-t-elle pas suffi à leur faire goûterl'essentiel des joies que Paris destine à de grands enfants, venus detrès loin et ignorants de tout? Ce n'est point la vue de nossoixante-dix églises qui eût pu les amuser beaucoup, ni celle de nosmonuments; ni la visite de nos bibliothèques et de nos musées; et dansnos théâtres même, je ne vois pas de spectacle qui eût réussi à teniréveillés longtemps ces enfants un peu barbares. Ils n'ont eu sous lesyeux que des tableaux «faciles», dont il est impossible qu'ils n'aientpas, du premier coup, compris la beauté; et même ils n'ont pu serassasier de cette beauté-là (ce qui est excellent), tant ils en ontjoui vite... Ils ont vu de beaux uniformes; une belle caserne où deuxrepas savoureux leur ont été servis; ils ont marché sans fatigue, dansun décor d'apothéose, le long de la plus belle avenue du monde; ils ontvu de jolies femmes leur sourire et cent mille hommes les acclamer etils s'en sont allés (suprême chance) avant d'avoir eu le temps de lassernos enthousiasmes. Ils sont partis--ans leur intérêt et dans lenôtre--comme on devrait toujours partir: un peu trop tôt.

Ainsi ils emportent en eux quelque chose de mieux que la satisfactiond'avoir vu Paris et de le connaître; ils emportent la vision confuse,instantanée et comme féerique de sa grâce. C

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