Traduit de l’Anglais et augmenté
PAR A. D. M.
ALFRED DE MUSSET
AVEC UNE NOTICE
PAR
M. Arthur Heulhard
PARIS
LE MONITEUR DU BIBLIOPHILE
34, RUE TAITBOUT, 34
1878
Le voilà ! Nous le tenons !C’est bien lui ; c’est le fameuxAnglais mangeurd’opium, que ni M. Paulde Musset, ni l’éditeurCharpentier, ni l’éditeurLemerre n’ont pu dénicheroù que ce soit, pourcompléter leurs éditions des Œuvres… complètesd’Alfred de Musset.
Et vraiment, la disparition complète de cevolume était un deuil pour les admirateurs dupoète, dont l’œuvre entière, jusqu’en ses minuties,est aujourd’hui réunie et livrée à la postérité.Quoi ! des canevas de pièces égarées, desbribes de poèmes à peine ébauchés, des fragmentsde lettres auraient été recueillis, classés,réimprimés, et au travers du crible où l’on apassé ces paillettes d’or, on aurait laissé échapperun lingot, un livre, un livre, entendez-vousbien ? un livre de plus de deux cents pages !
Le Moniteur du Bibliophile souffrait de cettelacune. Un ouvrage signé d’un des plus glorieuxnoms de France était perdu : nous l’avonsretrouvé et nous ne réclamons d’autre récompensehonnête que la gratitude de tous sesamis.
Lorsque M. Charpentier publia, il y a quelquedix ans, l’édition in-octavo des Œuvres d’Alfredde Musset, annoncée comme complète etdéfinitive, un fanatique du poète s’indigna desprétentions du libraire ct consigna ses récriminationsdans une brochure de dix-neuf pages,parue chez Pincebourde, en 1867, sous le titred’Étude critique et bibliographique des Œuvresd’Alfred de Musset, pouvant servir d’appendiceà l’édition dite de souscription. Cepamphlet, écrit sur le ton de la plus vive irritation,et dont je soupçonne Asselineau d’êtrel’auteur, encore que la langue y soit quelquefoisviolée, taxe d’impiété fraternelle, ou peu s’enfaut, la négligence de M. Paul de Musset, et detrahison, ou peu s’en faut, l’incurie de M. Charpentier.A Dieu ne plaise que j’épouse une querelle,à mon sens, beaucoup trop envenimée !
S’il est vrai que cette édition mente à sontitre par quelque endroit, il ne suit pas de làqu’il faille rejeter M. Paul de Musset et M. Charpentierhors du sein de l’orthodoxie bibliographique ;car ni l’un ni l’autre n’étaient tenus parla gorge de posséder les parties quasi-introuvablesde l’œuvre d’Alfred de Musset. Que diable !on ne coiffe pas ainsi les gens du bonnet d’âne !
L’auteur de l’acrimonieuse brochure dénonceimpitoyablement les erreurs, omissions, lacunes,interpolations de texte et de date dont ons’est rendu coupable. L’omission qui lui tient leplus à cœur et qui lui semble la plus inexplicable,est celle de l’Anglais mangeur d’opium. Ils’étonne qu’après la note, d’ailleurs dédaigneuse,que M. Paul de Musset y consacre dans sa noticesur son frère (voir le volume des Œuvresposthumes), et la mention qui en est faite en têtedu catalogue des ouvrages d’Alfred de Musset,ce livre ait été banni d’une édition tant vantée :« Que le livre fût bon ou mauvais, poursuit-il,là n’est pas la question, quoiqu’il vaille beaucoupmieux que ne veut le faire croire le frère del’auteur ; mais il nous semble hardi, dans unepublication si soigneusement lancée et annoncéecomme définitive de l’œuvre complète d’un denos premiers poètes contemporains, de supprimerainsi son pre