LA PRÉSENTE ÉDITION
DES
ŒUVRES COMPLÈTES DE GUY DE MAUPASSANT
A ÉTÉ TIRÉE
PAR L’IMPRIMERIE NATIONALE
EN VERTU D’UNE AUTORISATION
DE M. LE GARDE DES SCEAUX
EN DATE DU 30 JANVIER 1902.
IL A ÉTÉ TIRÉ À PART
100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE
SAVOIR:
60 exemplaires (1 à 60) sur japon ancien.
20 exemplaires (61 à 80) sur japon impérial.
20 exemplaires (81 à 100) sur chine.
Le texte de ce volume
est conforme à celui de l’édition originale: Mont-Oriol
Paris, Victor Havard, éditeur, 1887.
ŒUVRES COMPLÈTES
DE
GUY DE MAUPASSANT
MONT-ORIOL
PARIS
LOUIS CONARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR
17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17
MDCCCCX
Tous droits réservés.
PREMIÈRE PARTIE.
I
LES premiers baigneurs, les matineux déjà sortis de l’eau sepromenaient à pas lents, deux par deux ou solitaires, sous les grandsarbres, le long du ruisseau qui descend des gorges d’Enval.
D’autres arrivaient du village, et entraient dans l’établissement d’unair pressé. C’était un grand bâtiment dont le rez-de-chaussée demeuraitréservé au traitement thermal, tandis que le premier étage servait decasino, café et salle de billard.
Depuis que le docteur Bonnefille avait découvert dans le fond d’Envalla grande source, 2 baptisée par lui source Bonnefille, quelquespropriétaires du pays et des environs, spéculateurs timides, s’étaientdécidés à construire au milieu de ce superbe vallon d’Auvergne, sauvageet gai pourtant, planté de noyers et de châtaigniers géants, une vastemaison à tous usages, servant également pour la guérison et pour leplaisir, où l’on vendait, en bas, de l’eau minérale, des douches et desbains, en haut, des bocks, des liqueurs et de la musique.
On avait enclos une partie du ravin, le long du ruisseau, pourconstituer le parc indispensable à toute ville d’eaux; on avait tracétrois allées, une presque droite et deux en festons; on avait faitjaillir au bout de la première une source artificielle détachée dela source principale et qui bouillonnait dans une grande cuvette deciment, abritée par un toit de paille, sous la garde d’une femmeimpassible que tout le monde appelait familièrement Marie. Cettecalme Auvergnate, coiffée d’un petit bonnet toujours bien blanc, etpresque entièrement couverte par un large tablier toujours bien proprequi cachait sa robe de service, se levait avec lenteur dès qu’elleapercevait dans le chemin un baigneur s’en venant vers elle. L’ayantreconnu elle choisissait son