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HISTOIREDE FRANCE

PAR

J. MICHELET

 

NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE

 

TOME DIX-SEPTIÈME

 

PARIS
LIBRAIRIE INTERNATIONALE
A. LACROIX & Cie, ÉDITEURS
13, rue du Faubourg-Montmartre, 13

 

1877
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.

HISTOIRE DE FRANCE

(p. i) PRÉFACE

§ 1er.

La Régence est tout un siècle en huit années. Elle amène à la fois troischoses: une révélation, une révolution, une création.

I. C'est la soudaine révélation d'un monde arrangé et masqué depuiscinquante ans. La mort du Roi est un coup de théâtre. Le dessous devientle dessus. Les toits sont enlevés, et l'on voit tout. Il n'y eut jamaisune société tellement percée à jour. Bonne fortune, fort rare pourl'observateur curieux de la nature humaine.

II. Et ce n'est pas seulement la lumière qui revient; c'est lemouvement. La Régence est une révolution économique (p. ii) etsociale, et la plus grande que nous ayons eue avant 89.

III. Elle semble avorter, et n'en reste pas moins énormément féconde.La Régence est la création de mille choses (les grandes routes, lacirculation de province à province, l'instruction gratuite, lacomptabilité, etc.). Des arts charmants naquirent, tous ceux qui fontl'aisance et l'agrément de l'intérieur. Mais, ce qui fut plus grand, unnouvel esprit commença, contre l'esprit barbare, l'inquisition bigote durègne précédent, un large esprit, doux et humain.


La révolution financière est la fatalité du règne précédent. Chamillart,Desmarets, sous des noms différents, avaient fait du papier-monnaie. Noscolonies usaient dès longtemps d'un papier de cartes. Law n'inventa pastout cela. Il n'imposa pas le Système. Au contraire, il hésita fortquand le Régent, in extremis, voulut user de cet expédient.

Le mouvement fut immense, on peut le dire, universel. Un seul chiffre lemontre: à la fin du Système, quand la plupart s'en étaient retirés, unmillion de (p. iii) familles y étaient encore engagées, et apportèrentleurs papiers au Visa.

En ce malheur, notons cependant une chose. Les banqueroutes anciennes,les violentes réductions de Mazarin, Colbert, Desmarets, furent sansconsolation, des faits morts et stériles. Mais la catastrophe de Law futde portée toute autre. Elle eut les effets singuliers d'une subiteillumination. La France se connut elle-même.

Des masses jusque-là immobiles, ignorantes, qui, comme les bas-fonds del'Océan, n'avaient jamais su les tempêtes, les classes que ni la Frondeni la Révocation n'avaient émues, cette fois levèrent la tête,s'enquirent de la fortune publique,—donc de l'État et du royaume, de laguerre, de la paix, des royaumes voisins, de l'Europe.

Les lointaines entreprises de Law, sa colonisation, les razzias qu'onfit pour le Mississipi, obligent les plus froids à songer à l'autrehémisphère, à ces terres inconnues, comme on disait, aux îles. Dansles cafés qui s'ouvrent par milliers, on ne parle que des Deux-Indes.Le XVIIe siècle voyait Versailles. Le XVIIIe voit la Terre.


(p. iv) Le monde apparut grand, et ceci peu de ch

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