LE RAMAYANA

POÈME SANSCRIT DE VALMIKY

TRADUIT EN FRANÇAIS PAR HIPPOLYTE FAUCHE

Traducteur des Œuvres complètes de Kalidâsa et du Mahâ-Bhârata

TOME SECOND

PARIS

LIBRAIRIE INTERNATIONALE

13, RUE DE GRAMMONT, 13

A. LACROIX, VERBOECKHOVEN & Ce, ÉDITEURS

À Bruxelles, à Leipzig et à Livourne

1864


Ensuite l'exterminateur des héros ennemis, Lakshmana,son âme tout enveloppée de colère, pénétra dansl'épouvantable caverne Kishkindhyâ, comme Râma luiavait commandé. Ici, tous les singes aux grands corps, àla vigueur immense, préposés à la surveillance des portes,voyant le Raghouide en fureur, poussant des soupirs decolère, et, pour ainsi dire, tout flamboyant de son ardentcourroux, élèvent au front les paumes de leurs mainsréunies, et, tremblants, glacés d'effroi, ne tentent pas del'arrêter.

L'exterminateur des héros ennemis, Lakshmana, dis-je,l'âme tout enveloppée de colère, vit alors cette grandecaverne, belle, charmante, délicieuse, remplie de machinesde guerre, embellie de jardins et de bosquets,encombrée d'hôtels et de palais, merveilleuse, céleste,faite d'or, bâtie par les mains de Viçvakarma, avec desforêts de fleurs variées, avec des bois plantés d'arbres augré de tous les désirs, avec toute la diversité des jouissancesbocagères, avec des singes du plus aimable aspect,qui pouvaient changer de forme suivant leur fantaisie,vêtus de robes divines, parés de guirlandes célestes, filsdes Gandharvas ou des Dieux, et, pour comble, avecune grande rue, embaumée de parfums aux senteursexquises de lotus, d'aloès, de sandal, de rhum et de miel.

Lakshmana vit partout aux deux côtés des rues lesblanches files des palais aux constructions variées, hautscomme les cimes du mont Kêlâsa. Dans la rue royale, ilvit les temples d'une belle architecture et plaqués d'émailblanc: partout il vit des chars consacrés aux dieux. Lefrère puîné de Bharata vit là des lacs tapissés de lotus,des bois en fleurs, une rivière limpide, qui descendait surla pente d'une montagne. Il vit la délicieuse habitationd'Angada, les magnifiques hôtels bien fortifiés des noblessinges Maînda, Dwivida, Gavaya, Gavâksha, du sage Çarabha,des princes Vidyounmâla, Sampâti, Hanoûmat,Nîla, Kéçari, du singe Çatavali, de Koumbha et de Rabha.Les palais de ces magnanimes, bâtis çà et là dansla rue royale, s'élevaient, pareils à des nuées blanches:les plus suaves guirlandes en décoraient l'extérieur; ilsregorgeaient de pierres fines et de richesses, mais laperle des femmes en faisait la plus charmante parure.Il vit, pareil au palais de Mahéndra et protégé d'un rempart,tel qu'une blanche montagne, le délicieux châteaudu monarque des singes avec ses dômes blancs, commeles sommets du Kêlâsa, maison presque inabordable, auxjardins embellis d'arbres, où l'on cueillait du fruit entoute saison, aux bosquets enrichis de plantes fortunées,célestes, nées dans le Nandana, présent du grand Indralui-même, et qui de loin ressemblait à des nuées d'azur.Couvert partout de singes terribles, leurs javelots àla main, il regorgeait de fleurs divines et montrait avecorgueil ses arcades en or bruni.

Apprenant que l'envoyé de Râma vient à lui sans trouble,Sougrîva commande aux ministres d'aller à sa rencontre,et ceux-ci l'abordent, tenant les paumes desmains réunies en coupe à leurs tempes. Lakshmana deparler aux conseillers, Hanoûmat à leur tête, en observantles bienséances, non par timidité d'âme, mais parle sentiment des convenances; puis, officiellement reconnu,il entra dans le palais. Quand ce guerrier, le devoirmême incarné, eut franchi trois cours toutes couvertesde chars-à-bancs, il se vit en face du vaste sérail, quedéfendait une garde bien nombreuse. On y voyait brill

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