L'ILLUSTRATION
Prix du Numéro: 75 cent.
SAMEDI 23 MAI 1891
49e Année.--Nº 2517
VOYAGE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
Limoges:distribution des récompenses de la 17e fête fédérale de l'Union degymnastique.
D'après les croquis de notre envoyé spécial, M.Clair-Guyot.
uand nous aurons assisté à cent cinquante vernissages par printemps,nous pourrons, à notre aise, prendre nos quartiers d'été. Grands dieux,ces vernissages, comme ils se multiplient! On sort de l'un pour entrerdans l'autre. S'il n'y a plus en France que très peu de salons où l'oncause, il en est une quantité où l'on expose. Les Champs-Elysées sont àpeine escomptés que l'on ouvre le Champ-de-Mars, et celui-ci est à peinelorgné qu'on se précipite vers le Salon des Refusés, un Salon pour rire,le vaudeville après la grande pièce.
De toutes ces inondations de peinture, c'est bien celle du Champ-de-Marsqui semble d'un agrément plus particulier, sinon supérieur. Cela tientbeaucoup à l'arrangement, à l'aménagement. On a là comme un vagueressouvenir de ce beau rêve de 1889, l'Exposition évanouie.
On a la sensation qu'on va retrouver tout à l'heure nos amies lespetites Javanaises et on se demande si l'on n'entend point passer dansl'air les lointains accords--ou désaccords--de la musique de la rue duCaire. O valses des tziganes! O starlets du Danube, aux déjeuners dela Czarda! Fini, fini, tout cela. Mais l'exposition des tableaux nousreste et nous en donne une sorte d'arrière-goût.
Et puis on y cause en ce Salon, dans les salons de repos. Les fauteuilsy sont bons. La lumière y arrive par des verrières de Besnard qui sontbien suggestives, comme on dit à présent.
Par les fenêtres on aperçoit dans le jardin des touffes de marronniersverts piqués de fleurs blanches. C'est très joli.
Puis les caquets s'envolent avec les pépiements d'oiseaux.
--Avez-vous vu Mme Gautereau?
--Oh! ce portrait, ma chère! Quel portrait!
--Remarquez-vous une chose: c'est que les très jolies femmes ne donnentpas toujours de très jolis portraits.
--C'est comme en photographie.
--A peu près. Et pourtant les peintres ont plus de temps à eux.
--Est-elle si jolie que cela, la belle Mme Gautereau?
--Elle ressemble à Yvette Guilbert, moins la drôlerie, et à Mlle Moreno,des Français, moins la voix. Mais elle est jolie.
--Le nom de son nouveau peintre?
--Courtois. Gustave Courtois.
--Ou Discourtois, car il ne l'a pas flattée.
--Les peintres ne sont pas en ce monde pour flatter.
--Oh! oh! Et si j'avais une verrue sur le nez, ils peindraient donc maverrue?
--Absolument, sous peine de tirer de leur palette un mensonge.
--C'est qu'un mensonge agréable est si doux! Voyez Machard. A la bonneheure, il vous voit en beau, celui-là. Et Chaplin, le pauvre Chaplin!Moi je ne comprends la peinture que comme un madrigal!
--Ne dites pas cela si haut: voilà des peintres.
--Qui cela?
--Raffaëlli.
--Oh! c'est un sculpteur--et excellent!
--Avez-vous vu les Conscrits?
--Les Conscrits?
--Oui, les Conscrits de Dagnan. Un chef-d'œuvre!
--Ah! ces paysans, là-bas, chantant derrière un drapeau tricolore?
<