ANATOLE LE BRAZ

LA
TERRE DU PASSÉ

PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
3, RUE AUBER, 3

CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS

DU MÊME AUTEUR

Format in-18.

AU PAYS DES PARDONS 1 vol.
LA CHANSON DE LA BRETAGNE 1 —
LE GARDIEN DU FEU 1 —
PAQUES D'ISLANDE 1 —
LE SANG DE LA SIRÈNE 1 —
LE THÉATRE CELTIQUE 1 —

Droits de reproduction et de traduction réservéspour tous les pays.

E. GREVIN—IMPRIMERIE DE LAGNY

A
MONSIEUR E. DE NALÈCHE
DIRECTEUR DU Journal des Débats

Monsieur et Cher Directeur,

La plupart de ces «études», sinon toutes, ont parud'abord sous vos bienveillants auspices. En inscrivantvotre nom, je ne fais que m'acquitter d'une dette dereconnaissance envers le Journal des Débats, comme jene fais que remplir envers vous un devoir d'amitié.

A. L. B.

PAGES LIMINAIRES

LE «TRÔ-BREIZ»

I

Il est, aux alentours des vieilles villes bretonnes,des vestiges, des tronçons d'anciennesroutes que l'herbe a depuis longtemps envahies,que les pluies ont défoncées par places, mais quigardent, jusque dans leur détresse, un je ne saisquoi de noble et de majestueux. Une solitudeprofonde est sur elles. Le promeneur ne s'yhasarde guère. Elles n'ont à lui exhiber quele spectacle de leur abandon, les ronces pendantesqui s'enchevêtrent au-dessus de leursdouves et les houx au feuillage funèbre quihérissent leurs talus.

Beaucoup, à l'origine, furent des voies romaines.Elles ont vu les robes blanches desderniers druides s'enfuir et disparaître au plusépais de leurs forêts profanées. Les dalles qui,de-ci, de-là, les jonchent encore, retentirentsous le pas des légionnaires de César. Puis,aux bruits de la conquête et de la colonisationsuccéda le silence des ruines. Il n'y eut plus àrôder, parmi les pierres descellées, que le pâtrebarbare dont parle l'auteur des Martyrs: «Tandisque ses porcs affamés achevaient de renverserl'ouvrage des maîtres du monde, lui,tranquillement assis sur les débris d'une portedécumane, pressait sous son bras une outregonflée de vent…» Aujourd'hui, les porcherseux-mêmes ont déserté ces routes. Ils répugneraientà y aventurer leurs troupeaux. Ce sont,disent-ils, des parages frappés d'interdictionpour les vivants: il ne sied pas d'en troublerle mystère.

De fait, l'on y peut marcher des heures sansrencontrer personne. C'est tout au plus si, parfois,aux abords d'une bourgade, se montrel'installation d'un cordier, avec son attirailtrès primitif, la roue criarde qu'un enfant faitmouvoir, les peignes de bois fixés de distanceen distance à de grossiers supports. L'hommeva et vient, à reculons, toujours battant lemême sentier, toujours sifflant le même airmonotone, toujours étirant la bourre dechanvre, du même geste éternel. Descendantd'une race méprisée, sorte de paria bretonauquel s'attache encore en maint endroit l'épithètede caqueux dont, jadis, furent flétris sespères, il est demeuré fidèle à leurs habitudeset, quoique l'antique loi d'ostracisme

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