Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
Armand Gasté
DIDEROT
ET LE
CURÉ de MONTCHAUVET
—UNE MYSTIFICATION LITTÉRAIRE CHEZ
LE BARON D'HOLBACH, 1754—
PARIS
ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR
23-31, passage Choiseul, 23-31
M. DCCC. XCVIII
Au milieu du XVIIIe siècle vivait, ou plutôtvégétait tristement dans l'humble presbytèrede Montchauvet, en plein Bocage normand [2],un curé poète qui doit aux Encyclopédistesl'immortalité du ridicule, et dont les vers extravagantsfurent,—qui le croirait?—une descauses de la rupture de Jean-Jacques Rousseauavec ses bons amis, les Philosophes.
L'abbé Le Petit [3],—c'est le nom de notrecuré,—s'ennuyait à mourir dans le village oùl'avait enterré son évêque [4]. Il avait beaumonter sur les âpres rochers qui dominent lepresbytère et interroger l'horizon, il ne voyaitvenir personne qui fût digne de le comprendreet sût goûter les vers qu'il composait dans samorne solitude. Et laissant tomber ses regardssur les masures de ses paroissiens: «Ici, il n'ya que moi d'homme d'esprit, se disait-il. Pointde société!... Pour toute ressource, le magister,c'est-à-dire un paysan habillé de noir!»
Un beau jour, l'abbé Le Petit, n'y pouvantplus tenir, boucla sa valise et partit pour Paris.A Paris, en effet, il trouverait un de ses ancienscamarades de séminaire, l'abbé Basset [5],professeur de philosophie au collège d'Harcourt.L'abbé Basset avait de belles relations: il procurerait 5certainement un éditeur à son confrère.L'éditeur trouvé, le livre prôné par les gazettess'enlevait en un clin d'œil; les s