(1865)
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Le jeudi 6 mars 1862, surlendemain du Mardi gras, cinq femmes du villagede La Jonchère se présentaient au bureau de police de Bougival.
Elles racontaient que depuis deux jours personne n'avait aperçu une deleurs voisines, la veuve Lerouge, qui habitait seule une maisonnetteisolée. À plusieurs reprises, elles avaient frappé en vain. Les fenêtrescomme la porte étant exactement fermées, il avait été impossible dejeter un coup d'œil à l'intérieur. Ce silence, cette disparition lesinquiétaient. Redoutant un crime, ou tout au moins un accident, ellesdemandaient que la «Justice» voulût bien, pour les rassurer, forcer laporte et pénétrer dans la maison.
Bougival est un pays aimable, peuplé tous les dimanches de canotiers etde canotières; on y relève beaucoup de délits, mais les crimes y sontrares. Le commissaire refusa donc d'abord de se rendre à la prière dessolliciteuses. Cependant elles firent si bien, elles insistèrent tant etsi longtemps, que le magistrat fatigué céda. Il envoya chercher lebrigadier de gendarmerie et deux de ses hommes, requit un serrurier et,ainsi accompagné, suivit les voisines de la veuve Lerouge.
La Jonchère doit quelque célébrité à l'inventeur du chemin de fer àglissement qui, depuis plusieurs années, y fait avec plus depersévérance que de succès des expériences publiques de son système.C'est un hameau sans importance, assis sur la pente du coteau qui dominela Seine, entre la Malmaison et Bougival. Il est à vingt minutes environde la grande route qui va de Paris à Saint-Germain en passant par Rueilet Port-Marly. Un chemin escarpé, inconnu aux ponts et chaussées, yconduit.
La petite troupe, les gendarmes en tête, suivit donc la large chausséequi endigue la Seine à cet endroit, et bientôt, tournant à droite,s'engagea dans le chemin de traverse, bordé de murs et profondémentencaissé.
Après quelques centaines de pas, on arriva devant une habitation aussimodeste que possible, mais d'honnête apparence. Cette maison, cettechaumière plutôt, devait avoir été bâtie par quelque boutiquierparisien, amoureux de la belle nature, car tous les arbres avaient étésoigneusement abattus. Plus profonde que large, elle se composait d'unrez-de-chaussée de deux pièces, avec un grenier au-dessus. Autours'étendait un jardin à peine entretenu, mal protégé contre lesmaraudeurs par un mur en pierres sèches d'un mètre de haut environ, quiencore s'écroulait par places. Une légère grille de bois tournant dansdes attaches de fil de fer donnait accès dans le jardin.
—C'est ici, dirent les femmes.
Le commissaire de polic