L'Illustration, No. 3653, 1er Mars 1913
Ce numéro comprend vingt-quatre pages, dont quatre en couleurs. Il estaccompagné de La Petite Illustration, Série-Roman n° 1, contenant lapremière partie du roman de M. Marcel Prévost: Les Anges gardiens.
ARMÉE NOIRE
La grappe humaine: un débarquement de
tirailleurs sénégalais, avec armes et bagages, à Grand-Bassam.
Voir l'article,page 192.
Le numéro prochain de La Petite Illustration (n° 2, 8 mars) contiendraune pièce de théâtre:
Alsace
de MM. Gaston Leroux et Lucien Camille, dont le retentissement a étési grand et dont la carrière se poursuit avec tant de succès au théâtreRéjane; le numéro suivant (n° 3--15 mars) contiendra la seconde partiedu roman de M. Marcel Prévost:
Les Anges gardiens.
Il a fait beau tout le jour. Ainsi qu'un gardien pressé qui rabat desvisiteurs, le Soir chasse devant lui les derniers rayons du soleil quise retirent à regret. Le ciel, en même temps que les musées, a l'air defermer. Partout on allume. Voici l'heure aimable et brune du thé. Où leprendrons-nous? Je suis bien embarrassé. Dans les Ritz et les Palaceétincelants de luxe et de feux? Dans les cosmopolites Rumpel évoquant laRiviera? Dans les Colombin de bonne tenue?... Tant de thés divers noussollicitent, nous font signe. Il y a les thés du boulevard, de la rue deRivoli, de la place Vendôme, des Champs-Elysées, les thés à musique et àtziganes, si brillants, si montés d'allure, tout fumants d'animation etde vie heureuse. Il y a les thés, calmes et ramassés, de la rive gauche,où l'on trouve toujours de la place, les thés du silence où viennentdécemment s'asseoir des gens âgés et très comme il faut, des dames dufaubourg à bandeaux gris qui sortent avec peine de vastes voitures trèsbasses. Dans ces thés-là, de décor balzacien, on parle à voix deconfesse et on est servi par un glissant maître d'hôtel qui a des façonsde valet d'évêque. Et les petites cuillers sont de vermeil dans destasses à fleurs 1840 à bordure un peu dédorée... On pense, en lesvoyant, à de vieux sucriers de famille...
Et il y a, dans des rues peu passantes, les thés discrets et voilés deguipures, qui ont je ne sais quelle apparence de thés mystérieux...
Il y a les thés exotiques, les thés russes, tout bardés de samovars, quifont songer à Tourgueneff, à Tolstoï, à Gogol, à toutes les héroïnes enoffna et en ova de nos anciennes lectures,... et les thés indiens où desCinghalais mordorés aux tailles de bambou, au chignon en crin d'onagreet le peigne crevant les tresses bleues, vous toisent d'un oeil tropnoir sous un plumait de cils... Et il y a les thés traditionnels, dansles sages magasins sans amusettes ni babioles, où sur des rayons debibliothèque sont uniquement rangées les grandes boîtes sombres etcarrées, aux goulots forts et ronds, qui ressemblent à des lanternesmagiques peintes en noir. Une odeur d'épice et de fer-blanc, de tôle