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HISTOIRE D'UN BAISER

PAR
ALBERT CIM

[Illustration]

                            Ancienne Maison F. ROY
                                    ÉDITEUR
                            H. GEFFROY, Successeur
                      222, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 222
                                     PARIS

[Illustration]

A Henri Demesse.

Ce fut un beau tapage, ce soir-là, dans tous les cercles, cafés etsalons de Saint-Servin-sur-Garonne, quand on apprit ce qui s'étaitpassé quelques heures auparavant chez M. Hector Sédeillant, le plus grosbanquier de la contrée.

A l'issue d'un copieux déjeuner fait avec deux de ses correspondantset qui s'était prolongé jusqu'à trois heures de l'après-midi, M.Sédeillant, pris de je ne sais quelle lubie, était allé trouver, dansle recoin voisin de l'office, où elle travaillait d'ordinaire, la petiteJeandin, Mlle Colette, une ouvrière à la journée, que Mme Sédeillantfaisait venir trois jours par semaine. Juste au moment où il saisissaitpar derrière la taille de Colette et lui appliquait un savoureux baiserdans les frisons de sa blanche nuque, Mme Palmyre Sédeillant, l'austèreet vigoureuse épouse, était entrée, et… clic! clac! avait administré àmonsieur une superbe paire de soufflets, puis empoigné mademoiselle parle bras et jeté à la rue cette effrontée.

—Ah! petite drôlesse! c'est ainsi que vous vous comportez! Et chezmoi encore! Chez moi! Allez, vilaine! Allez! Je me charge de vousrecommander. Oui! Une belle réputation que vous êtes en train de vousfaire, mademoiselle!

C'est en vain que la pauvre petite Colette protestait et sanglotait àcoeur fendre:

—Madame! Mais je vous jure!… Mais, madame… Oh! comment pouvez-vouscroire, madame!…

Madame, enfiévrée d'indignation, affolée de colère, ne voulait rienentendre et continuait à clabauder et vociférer dans la cour del'hôtel, en pleine rue autant dire, et pendant que voisins et passantss'attroupaient.

Aussi la nouvelle de cette mésaventure conjugale s'était-ellepromptement répandue à travers la ville et faisait-elle, le soir même,l'objet de tous les entretiens.

Bien entendu, on ne manquait pas d'amplifier les choses, d'enjoliver lerécit, le festonner et le broder à profusion.

L'intrigue durait depuis longtemps déjà, affirmait-on; les mieuxrenseignés, ou du moins ceux qui se piquaient d'avoir surpris quelquesparticularités probantes et de posséder des détails inédits,—et tout lemonde voulait en être de ceux-là,—racontaient que si la petite Jeandinportait d'aussi jolies boucles d'oreilles,—des perles fines, s. v.p.! vous n'avez qu'à regarder quand elle passe!—c'était grâce à lagénéreuse gratitude de M. Sédeillant. Le bijoutier Lacassagne, du quaides Vergnes, les lui avait vendues, vendues à lui-même, et les avaitreconnues ensuite aux oreilles de la donzelle. Il lui avait encore faitprésent, cet amant aussi épris que prodigue, d'une bague achetée chezle même bijoutier, d'une bague magnifique: une turquoise entourée debrillants, ne vous déplaise!

Oui, plus que ça de luxe, et pour une morveuse qui habitait da

...

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