ŒUVRES
DE
MARCEL SCHWOB

LA LAMPE DE PSYCHÉ

MIMES—LA CROISADE DES ENFANTS—L'ÉTOILE DE BOIS
LE LIVRE DE MONELLE

IL LIBRO DELLA MIA MEMORIA

PARIS
MERCVRE DE FRANCE
XXVI, RVE DE CONDÉ, XXVI

M CM XXI

IL A ÉTÉ TIRÉ:

39 exemplaires sur vergé d'Archesnumérotés à la presse de 1 à 39.

550 exemplaires sur papier vergépur fil Lafuma numérotés de 40 à 589.

JUSTIFICATION DU TIRAGE

LA LAMPE DE PSYCHÉ

Lo, in yon brilliant window niche
How statue-like I see thee stand,
Thy agate lamp within thy hand.
Ah, Psyche, from the regions which
Are holy land!

Edgar Allan Poe

VNICAE
DILECTAE AC SVPER VITAM PRETIOSAE
MARGARITAE
SVAE
PROPTER VITAM VITAÏ CAVSAE
D. D.
MARCELLVS SVEVIVS

MIMES

(1894)

-11-

τέττιξ, διόπτρον, ἄνθος

PROLOGVE. Le poète Herondas, qui vivait dans l'île deCos sous le bon roi Ptolémée, envoya vers moi unefluette ombre infernale qui avait aimé ici-bas. Etma chambre fut pleine de myrrhe; et un souffle léger refroiditma poitrine. Et mon cœur devint pareil au cœur desmorts: car j'oubliai ma vie présente.

L'ombre aimante secoua du pli de sa tunique un fromagede Sicile, une frêle corbeille de figues, une petite amphorede vin noir et une cigale d'or. Aussitôt j'eus le désir d'écriredes mimes et mes narines furent chatouillées par l'odeur dusuint des laines nouvelles et la fumée grasse des cuisinesd'Agrigente et le parfum âcre des étals de poisson à Syracuse.Dans les rues blanches de la ville passèrent des cuisiniershaut retroussés, et des joueuses de flûte aux gorgessavoureuses, et des entremetteuses aux pommettes ridées,et des marchands d'esclaves aux joues gonflées d'argent.Par les pâturages bleus d'ombre glissèrent des pâtres siffleurs,portant des roseaux luisants de cire, et des pétrisseusesde lait couronnées de fleurs rousses.

-12-Mais l'ombre aimante n'écouta point mes vers. Elletourna sa tête dans la nuit et secoua du pli de sa tuniqueun miroir d'or, des pavots mûrs, une tresse d'asphodèles, etme tendit un des joncs qui croissent sur les bords du Léthé.Aussitôt j'eus le désir de la sagesse et de la connaissancedes choses terrestres. Or je vis dans le miroir la tremblanteimage transparente des flûtes et des coupes et des chapeauxà haute pointe et des visages frais aux lèvres sinueuses, etle sens obscur des objets m'apparut. Puis je m'inclinai surles pavots, et je mordis les asphodèles, et mon cœur futlavé d'oubli, et mon âme saisit l'ombre par la main afin dedescendre vers le Ténare.

L'ombre lente et fluette me conduisit beaucoup parmil'herbe noire des enfers, où nos pieds se teignaient auxfleurs du safran. Et là j'eus le regret des îles dans la merpourprée, des grèves siciliennes rayées de cheveluresmarines et de la lumière blanche du soleil. Et l'ombreaimante comprit mon désir. Elle toucha mes yeux

...

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