PARIS
ÉMILE-PAUL FRÈRES, ÉDITEURS
100, RUE DU FAUBOURG-SAINT-HONORÉ, 100
PLACE BEAUVAU
1920
A François Le Grix,
Son Ami,
F. M.
Claude Favereau, après qu'il a interrogé les porteurs,découvre enfin la voie, en dehors du hall, oùle train omnibus aligne de vieux wagons, se gareavec un air abandonné. Claude aurait dû choisirl'express du soir qui n'a besoin que de trois quartsd'heure pour atteindre Toulenne; mais le jeune garçona mieux aimé ce petit train d'après déjeuner quile long de la Garonne, rampe, s'attarde à chaquegare, et dont on dirait que la chaleur ralentit lamarche, l'oblige à se traîner au milieu des vergerset des vignes accablées. Aux haltes indéfinies, onentend, à travers la cloison du compartiment, desconversations patoises. Le chef de gare approche lesifflet de ses lèvres, avec importance, parce que c'estl'acte essentiel de sa journée. Claude aime ces heuresvagues où rien ne le détourne de penser à soi. Iln'en finit pas, il n'en finira jamais de mettre dansson cœur de l'ordre; quelle confusion en lui, à cetteminute, où, pour toujours, il quitte le séminaire! Ilsonge qu'il ne perdra plus ce goût de reploiement,cette manie d'examiner sa conscience, ce don detransformer en cellule, en oratoire, le wagon detroisième classe où il rêve seul: ce lui est presqueune volupté qu'avec impatience il appelle, alors que,sur le quai du départ, le volubile abbé de Floirac leretient.
Selon le vœu de ses maîtres, Claude a quitté leséminaire sans avertir aucun camarade sauf celui-ci:son ami officiel. Quand il a fallu décider qui raccompagneraità la gare, Claude, en même tempsque M. le Supérieur, prononça le nom de Floirac,mais le jeune homme sait bien que cet abbé est leseul qu'il ne regrette pas et qu'il se fût plus ému dedire adieu, sur ce quai, au gros Parmentier, le dernierde sa classe, qui l'entretenait de chasse à lapalombe, d'histoires de chiens d'arrêt et de bécasses.Immobile sur l'asphalte souillé, M. de Floirac nesouffre point de la température; des livres déformentles poches de sa soutane où, au long des boutons, destaches s'égrènent; il parle à Claude, comme naguèreaux promenades, du père Tyrrel et de l'abbé Loisy.Sait-il que dans six minutes, ce train emportera pourtoujours le seul de ses camarades préoccupé des problèmesqui l'obsèdent? Peut-être se co