PAUL CLAUDEL

LE PÈRE HUMILIÉ

DRAME EN QUATRE ACTES

HUITIÈME ÉDITION


nrf

PARIS

ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

35 ET 37, RUE MADAME 1920



PERSONNAGES

LE PAPE PIE

LE FRANCISCAIN

LE COMTE DE COUFONTAINE,OLIM (louis turelure)
ambassadeur de france a rome

LE PRINCE WRONSKY

ORIAN DE HOMODARMES

ORSO DE HOMODARMES

SICHEL

PENSÉE DE COUFONTAINE

LADY U.

SCÈNE: ROME 1869, 1870 et 1871


ACTE PREMIER

SCÈNE I

La scène est à Rome, le jour de la fête de Saint Pie, le5 mai 1869, qui est aussi l'anniversaire de la mort deNapoléon. Fête travestie dans les jardins de la VillaWronsky d'où l'ont domine toute la ville. Une belle nuitoù flotte encore la rougeur du crépuscule. Tous ces arbresà la verdure foncée.

PENSÉE DE COUFONTAINE (costumed'Automne).

SICHEL (La Nuit), au bras du

PRINCE WRONSKY (Le Fleuve Tibre).


PENSÉE, avec une expression d'angoisse, aumilieu de la scène, elle fait un pas en allongeantle bras comme si elle allait tomber.—Mère, oùes-tu?

SICHEL, courant à elle.—Pensée, mevoici, mon enfant.

LE PRINCE, s'approchant.—Vous êtessouffrante, Mademoiselle?

PENSÉE.—Ce n'est rien.

SICHEL, la soutenant.—Quelque malaisede jeune fille. Pensée, mon enfant. (Elle la faitasseoir sur un banc.) Excusez-nous, Prince, jevous prie, ce n'est rien.

LE PRINCE.—Je laisse donc l'Automneentre les bras de la Nuit.

Il sort.

Moment de silence.

PENSÉE, relevant la tête, avec un faiblesourire.—Je crois bien que je me suis évanouie.

SICHEL.—Pensée, c'est moi. Pourquoime faire peur ainsi?

PENSÉE.—Me voici de nouveau vivante.C'est doux de revoir la lumière.

SICHEL.—Ne me perce pas le cœur.

PENSÉE.—Mais peut-être que si je voyaisje n'entendrais pas aussi bien.

SICHEL.—Tu m'entends, mon enfant bien-aimée,et tu sais que je t'aime.

PENSÉE.—Oui, mère.

SICHEL.—Ne me regarde pas ainsi avecces yeux si beaux.

PENSÉE.—Est-ce que mes yeux sontbeaux?

SICHEL.—Les autres reçoivent la lumière,mais les tiens la donnent.

PENSÉE.—Et personne en les voyant nepenserait que je suis aveugle?

SICHEL.—Ne dis pas ce mot.

PENSÉE.—C'est vrai qu'on peut me voirrien qu'en me regardant?

SICHEL.—Ce que peuvent voir nos yeuxà nous.

PENSÉE.—Il y a donc en ceux-ci unegrande puissance.

SICHEL, lui caressant la main.—Ce sontdeux beaux yeux bleus, d'un bleu pur etpresque noir.

PENSÉE.—«Comme le raisin en sa saison.»

SICHEL.—«Comme le raisin en sa saison»,oui, c'est ce que je t'ai dit un jour, tu terappelles? ce matin que nous étions sortiesensemble de si bonne heur

...

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