VOYAGE EN ORIENT

PAR

GÉRARD DE NERVAL


II

LES NUITS DU RAMAZAN

DE PARIS A CYTHÈRE--LORELY

SEULE ÉDITION COMPLÈTE


PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
3, RUE AUBER, 3
1884
(ŒUVRES COMPLÈTES DE GÉRARD DE NERVAL III)

Table des matières


[p. 1]

VOYAGE EN ORIENT


LES NUITS DU RAMAZAN


I

STAMBOUL ET PÉRA


I—BALIK-BAZAR

Ville étrange que Constantinople! Splendeurs et misères, larmes etjoies; l'arbitraire plus qu'ailleurs, et aussi plus de liberté;—quatrepeuples différents qui vivent ensemble sans trop se haïr: Turcs,Arméniens, Grecs et Juifs, enfants du même sol, et se supportantbeaucoup mieux les uns les autres que ne le font, chez nous, les gensde diverses provinces ou de divers partis.

Étais-je donc destiné à assister au dernier acte de fanatisme etde barbarie qui ait pu se commettre encore en vertu des anciennestraditions musulmanes?—J'avais retrouvé à Péra un de mes plus anciensamis, un peintre français, qui vivait là[p. 2] depuis trois ans, et fortsplendidement, du produit de ses portraits et de ses tableaux;—ce quiprouve que Constantinople n'est pas aussi brouillé qu'on le croit avecles Muses. Nous étions partis de Péra, la ville franque, pour nousrendre aux bazars de Stamboul, la ville turque.

Après avoir passé la porte fortifiée de Galata, on a encore à descendreune longue rue tortueuse, bordée de cabarets, de pâtissiers, debarbiers, de bouchers et de cafés francs qui rappellent les nôtres,et dont les tables sont chargées de journaux grecs et arméniens;—ils'en publie cinq ou six à Constantinople seulement, sans compter lesjournaux grecs qui viennent de Morée.—C'est là le cas pour toutvoyageur de faire appel à son érudition classique, afin de saisirquelques mots de cette langue vivace qui se régénère de jour en jour.La plupart des journaux affectent de s'éloigner du patois moderne etde se rapprocher du grec ancien jusqu'au point juste où ils pourraientrisquer de n'être plus compris. On trouve là aussi des journauxvalaques et serbes imprimés en langue roumaine, beaucoup plus facile àcomprendre pour nous que le grec, à cause d'un mélange considérable demots latins. Nous nous arrêtâmes quelques minutes dans un de ces cafés,pour y prendre un gloria sucré, chose inconnue chez les cafetiersturcs.—Plus bas, on rencontre le marché aux fruits offrant deséchantillons magnifiques de la fertilité des campagnes qui environnentConstantinople. Enfin, l'on arrive, en descendant toujours, par desrues tortueuses et encombrées de passants, à l'échelle où il fauts'embarquer pour traverser la Corne d'or, golfe d'un quart de lieuede largeur et d'une lieue environ de longueur, qui est le port leplus merveilleux et le plus sûr du monde, et qui sépare Stamboul desfaubourgs de Péra et de Galata.

Cette petite place est animée par une circulation extraordinaire,et présente, du côté du port, un embarcadère en planches bordé decaïques élégants. Les rameurs ont des chemises en crêpe de soie àmanches longues d'une coupe tout à fait galante; leur barque file avecrapidité, grâce à sa forme[p. 3] de poisson, et se glisse sans difficultéentre les centaines de vaisseaux de toutes nations qui remplissentl'entrée du port.

En dix minutes

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