LOUIS SONOLET
PHYSIOLOGIE HUMORISTIQUE DE L’AMOUR AFRICAIN
Publiée d’après le manuscrit original de
PAUL BOURGETTE
LA RENAISSANCE DU LIVRE
78, Bd Saint-Michel, 78 — PARIS
Tous droits de reproduction et de traduction réservés pourtous pays.
Copyright by La Renaissance du Livre, Paris 1911.
A
MES BONS CAMARADES
D’AFRIQUE OCCIDENTALE
Hommage d’un hôte reconnaissant,
L. S.
LE PARFUMDE LA DAME NOIRE
Chacun sait que l’Afrique occidentale estun pays chaud. Je le constatais une fois deplus par une journée de marche en Haute-Guinée,sur les bords du Tinkisso. Foulantentre les verdures basses la terre d’un sentiersemé de roches, mes porteurs s’égrenaienten une longue théorie déguenillée et silencieuse,tandis qu’Adda, ma femme noire,se prélassait dans un hamac porté parquatre vigoureux Malinkés. Autour de nous,la brousse s’étendait discrète et commemorte. Mais, en arrivant dans un fond bienprotégé contre les ardeurs du soleil, nousaperçûmes, à l’ombre d’un grand fromager,une case isolée et d’aspect aussi confortableque permet de l’espérer, en pays nègre,la relativité de cet adjectif. Je fus assezsurpris de voir un Blanc sortir de cette caseet s’avancer vers nous, car nulle présenced’Européen ne m’avait été signalée dans lepays.
Il avait cet aspect qui nous moule touslà-bas d’après un type unique, à la façondes gaufres : casque colonial, complet kakicopieusement usagé, barbe inculte. Sonregard nous fixait, plein d’acuité scrutatrice.Ce solitaire se présenta avec l’aisancefamilière accoutumée en pareil cas :
— Paul Bourgette, prospecteur.
Le prospecteur est un personnage assezrépandu dans ces régions qui joignent à lafertilité de leur sol des richesses minièresdont la plupart restent encore à découvrir.Cette découverte est confiée à l’hommeavisé et subtil qu’est le prospecteur. L’actionqu’il y dépense est infiniment plus rémunératriceque toutes celles dont ses rapportsamènent l’émission. Je fis, comme on pense,excellent accueil à M. Bourgette. Il m’invitaà déjeuner, et ce fut en déchiquetantun quartier de biche que je perçus de sabouche des détails sensationnels sur sonétrange personnalité.
Je lui avais demandé :
— Quelle prospection faites-vous ?
On juge de mon ahurissement quand ilme répliqua sans broncher :
— La prospection des femmes.
Il savoura quelques instants la jouissanceque lui procuraient mes yeux arrondiset mes lèvres en hiatus, puis il entra dansla voie des explications.
— Par prospection des femmes, dit-il,j’entends leur étude méthodique, leur observationpatiente, leur analyse sagace. Telque vous me voyez, mon cher camarade,je suis né avec une vocation : celle de lapsychologie féminine et des expériencesde cœur. J’aurais pu être Claude Larcher ouPriola. Il m’eût admirablement convenu dedisséquer des âmes de maîtresses du meilleurmonde, comme ce Paul Bourget dontmon nom semble un diminutif sans prétention.Mais une telle carrière n’est pas àla portée de n’importe qui. Ma famille, moncher camarade, était pauvre, et, pour mapart, je n’ai jamais pu voir dans l’argentqu’une chose qu’on dépense et non qu’ongagne. Or, l’amour est le plus coûteux