SIDO suivi de LES VRILLES DE LA VIGNE
Paru dans Le Livre de Poche:
Claudine à l’école.
Claudine à Paris.
Claudine s’en va.
Chéri.
La Chatte.
L’Ingénue libertine.
La Vagabonde.
Gigi.
La Maison de Claudine.
COLETTE
DE L’ACADÉMIE GONCOURT
H A C H E T T E
© Librairie Hachette, 1901.
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptationréservés pour tous pays.
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—Et pourquoi cesserais-je d'être de mon village? Il n’y faut pascompter. Te voilà bien fière, mon pauvre Minet-Chéri, parce que tuhabites Paris depuis ton mariage. Je ne peux pas m’empêcher de rire enconstatant combien tous les Parisiens sont fiers d’habiter Paris, lesvrais parce qu’ils assimilent cela à un titre nobiliaire, les faux parcequ’ils s’imaginent avoir monté en grade. A ce compte-là, je pourrais mevanter que ma mère est née boulevard Bonne-Nouvelle! Toi, te voilà commele pou sur ses pieds de derrière parce que tu as épousé un Parisien. Etquand je dis un Parisien... Les vrais Parisiens d’origine ont moins decaractère dans la physionomie. On dirait que Paris les efface!
Elle s’interrompait, levait le rideau de tulle qui voilait la fenêtre:
—Ah! voici Mlle Thévenin qui promène en triomphe, dans toutes les rues,sa cousine de Paris. Elle n’a pas besoin de le dire, que cette dameQuériot vient de Paris: beaucoup de seins, les pieds petits, et deschevilles trop fragiles pour le poids du corps; deux ou trois chaînes decou, les cheveux très bien coiffés... Il ne m’en faut pas tant poursavoir que cette dame Quériot est caissière dans un grand café. Unecaissière parisienne ne pare que sa tête et son buste, le reste ne voitguère le jour. En outre, elle ne marche pas assez et engraisse del’estomac. Tu verras beaucoup, à Paris, ce modèle de femme-tronc.
Ainsi parlait ma mère, quand j’étais moi-même, autrefois, une trèsjeune femme. Mais elle avait commencé, bien avant mon mariage, de donnerle pas à la province sur Paris. Mon enfance avait retenu des sentences,excommunicatoires le plus souvent, qu’elle lançait avec une forced’accent singulière. Où prenait-elle leur autorité, leur suc, elle quine quittait pas, trois fois l’an, son département? D’où lui venait ledon de définir, de pénétrer, et cette forme décrétale de l’observation?
Ne l’eussé-je pas tenu d’elle, qu’elle m’eût donné, je crois, l’amour dela province, si par province on n’entend pas seulement un lieu, unerégion éloignés de la capitale, mais un esprit de caste, une puretéobligatoire des mœurs, l’orgueil d’habiter une demeure ancienne,honorée, close de partout, mais que l’on peut ouvrir à tout moment surses greniers aérés, son fenil empli, ses maîtres