E. GRANSTRÖM
AVENTURES D'UNE FILLETTE
SUR UNE ILE DÉSERTE
ADAPTÉ DU RUSSE
AVEC L'AUTORISATION DE L'AUTEUR
Par Léon GOLSCHMANN & Ernest JAUBERT
PARIS
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET CIE
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, 56
Droits de reproduction et de traduction réservéspour tous les pays,y compris la Suède et la Norvège.
TYPOGRAPHIE: FIRMIN-DIDOT ET Cie.—MESNIL (EURE).
Robinsonnette
Un vieux loup de mer.—Le départ pour un pays lointain.—La pêche auxhuîtres.—En plein Océan.—Le Gulf-Stream.
Vieux marin, le capitaine S., pendant les quaranteannées de sa vie errante, avait visité presque toutes lesmers du globe. Partout on le connaissait comme unhomme droit, honnête et instruit. Ayant atteint sa soixantièmeannée, il résolut de quitter l'élément orageux pouraller passer le restant de ses jours dans sa ville natale,à Gothenbourg, auprès de sa famille bien-aimée.
Sa femme, bonne et intelligente créature, ressentait pourla mer une crainte invincible. Lorsque, autrefois, son maris'embarquait, elle appréhendait toujours de ne plus lerevoir. Cette inquiétude continuelle avait fini par ébranlerfortement sa santé.
Leur fille unique, Hélène, que son père adorait, étudiaitdans un pensionnat dirigé par une amie de sa mère. Sonbon cœur et ses excellentes aptitudes la firent bientôt aimerpar tout le monde.
La plus grande joie qu'elle donnât à son père, c'étaitquand elle s'asseyait au piano et lui chantait ses chansonsfavorites. Il l'accompagnait souvent de sa voix de basse,à laquelle tant d'années d'une vie inquiète et agitée n'avaientrien ôté de son charme et de sa douceur.
Hélène venait à peine d'entrer dans sa quinzième année,quand son père perdit soudainement la vue. A partirde ce moment, la fillette ne le quitta plus: elle allaitavec lui à la promenade, lui faisait la lecture à haute voix,et s'efforçait, par tous les moyens, d'adoucir le malheurqui l'avait frappé. Lui, de son côté, enseignait à sa filletout ce qu'il savait et, grâce à une mémoire excellente,elle apprit de lui, dans l'espace d'une année, plusieurslangues européennes.
Le vieux capitaine eut recours à tous les médecins réputésde sa ville, mais aucun d'eux ne put lui rendre la vue.Enfin, il se souvint que, pendant un séjour en Italie, ilavait fait la connaissance d'un célèbre oculiste, dont lenom était fameux dans toute l'Europe. Le vieillard résolutde s'adresser à lui. Malgré l'amour qu'elle portait à sonmari, la mère d'Hélène ne put surmonter la crainte quelui inspirait la mer, et se décida à laisser partir sa filleavec son père, lequel, de son côté, estimait qu'il auraitbien de la peine à se passer d'elle, personne ne sachantcomme elle lui faire la lecture, se conformer à ses habitudeset à ses goûts.
Le voyage lointain qu'elle devait entreprendre enchantaitHélène. Son imagination ardente lui retraçait d'avancela joie qu'elle aurait à contempler les monuments majestueuxet sans prix de l'art italien, à admirer les beautésde la nature méridionale.
Le jour