MON CORPS ET MOI

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

Détours. Roman. (« Une œuvre, un portrait » — N. R. F.)épuisé.

OUVRAGES A PARAITRE

La mort difficile. Roman.

Ce volume a été déposé au Ministère de l’Intérieur en 1926.

RENÉ CREVEL

COLLECTION DE LA REVUE EUROPÉENNE
— 20 —

MON CORPS
ET MOI

PAR
RENÉ CREVEL

Troisième édition

AUX ÉDITIONS DU SAGITTAIRE
SIMON KRA, 6, RUE BLANCHE. PARIS

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE : SIXEXEMPLAIRES SUR JAPON, NUMÉROTÉSDE 1 A 6 ; QUATORZE EXEMPLAIRES SURHOLLANDE, NUMÉROTÉS DE 7 A 20 ;TRENTE EXEMPLAIRES SUR PUR FILVINCENT MONGOLFIER, NUMÉROTÉS DE21 A 50.

Copyright 1926, by Simon Kra.
Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays, y comprisla Suède, la Norvège et la Russie.

A celle
qui sait voyager et juger.

I
DU TEMPS DES AUTRES

On dîne tôt et vite dans les petits hôtelsde montagne.

J’étais seul à table.

Me voici seul dans ma chambre.

Seul.

Cette aventure, je l’ai si fort et si longtempsdésirée que j’ai souvent douté qu’elle pût êtrejamais. Or ce soir, mon souhait enfin réalisé,je me trouve disponible à moi-même. Aucunpont ne me conduit aux autres. Des plus etdes mieux aimés je n’ai pour tout souvenirqu’une fleur, une photo.

La fleur, une rose, achève de se faner dansle verre à dents.

Hier, à la même heure, elle s’épanouissaità mon manteau. La boutonnière était assezhaute pour qu’elle surprît mon visage dèsqu’à peine il se penchait. Mais chaque fois,ma peau de fin d’après-midi, avant de s’étonnerd’une douceur végétale, avait des réminiscencesd’œillet. Tout un hiver, tout unprintemps, n’avais-je pas voulu confondreavec le bonheur ces pétales aux bords déchiquetés,sur la sagesse nocturne d’une soie figée enrevers ?

Tout un hiver, tout un printemps. Hier.

Dans une gare, les yeux fermés, une fleurcondamne à croire encore aux tapis, auxépaules nues, aux perles.

Alors je n’ose plus espérer que soit possiblela solitude.

C’est elle, pourtant, qui fut tout mon désirdans les théâtres où le rouge du velours, surles fauteuils, depuis des mois, me semblaitla couleur même de l’ennui. Elle seule, dontj’allais en quête par les rues, lorsque lesmaisons, à la fin du jour, illuminaient, pourde nouvelles tentations, leurs chemises depierre d’une tunique compliquée jusqu’àl’irréel.

J’entrais encore dans les endroits où l’ondanse, où l’on boit, goulu d’alcool, de jazz,de tout ce qui soûle, et me soûlais indifférentà ce que j’entendais, dansais, buvais,mais heureux d’entendre, de danser, deboire, pour oublie

...

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