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Deuxième édition.
1834.
4.
L'échelle de corde.—Les piastres frites.—Scènes dejalousie.—Duel.—Confession de quatre flibustiers célèbres.—Lecorsaire le Vert-de-Gris.—Le bal interrompu.—Nouveau combat.—Noussommes pris.—La poste aux choux.
Quelque douces que soient les jouissances de coeur et d'amour-propre,que l'on savoure dans son pays natal, elles ne peuvent suffire longtempsà une âme active et à une tête bouillante. Le calme plat dans lequelje vivais à terre ne pouvait plus convenir à une imagination qui, aprèsavoir éprouvé les violentes émotions qu'elle cherchait, rêvait encoredes combats et des tempêtes. Une lettre de Rosalie, dont le souvenir mesuivait dans toutes mes fêtes et au sein de tous les instans d'ivressede mon âge, vint me reprocher, dans les termes les plus vifs, les plusréservés, et pourtant les plus significatifs, mon oubli de mes ancienset de mes meilleurs amis. J'aurais pu montrer à mes parens cette tendreépître, sans qu'ils eussent dû en être choqués. Mais la crainte de leurlaisser deviner ce que je sentais trop bien, me fit garder le silencesur le compte de ma conquête, à l'égard de laquelle ma famille avaittoujours observé une réserve que je comprenais pourtant à merveille etqui m'embarrassait. Rosalie me disait que, si je ne revenais pas bientôtà Roscoff, Ivon, qui ne pouvait plus se passer de moi accourrait à Brestpour m'enlever.
Un ou deux mois d'inaction suffisent pour dévorer un jeune hommedestiné, comme je l'étais, à ne vivre que sur mer et qu'avec la mer.
Les autres hommes épuisent presque toujours dans une trop grandeactivité les forces dont ils sont doués; mais c'est, au contraire,par l'activité que les marins conservent les leurs. Je ne pouvais plustrouver de repos dans ma famille depuis que je n'avais plus rien àfaire. L'aspect de cette rade, sur laquelle se balançaient les naviresque je voyais entrer ou sortir du port, jetait dans mon esprit untrouble, une mélancolie, que je ne m'expliquais que par l'impossibilitéoù je me trouvais d'occuper ma tête, mes bras, ma vie enfin sur cesflots où je m'étais déjà entr'ouvert une carrière. Mon frère, toujoursstudieux, sage et attaché à ses devoirs, voulait en vain m'apprendrece qui pouvait m'être encore nécessaire comme marin: je ne pensais qu'ànaviguer, et mes parens se décidèrent enfin à me laisser courir encoreune fois les chances périlleuses de la seule fortune que j'ambitionnais.
Un jour, en rentrant vers le soir à la maison avec mon père, nous vîmesvenir à nous un marin poussant au galop, avec un gros bâton à la main,le cheval qu'il conduisait de la manière la plus plaisante du monde. Ad