M. Leblond était un négociant que son commerce avait obligé à faire unlong voyage en Amérique. Sa femme était restée en France avec deuxpetits garçons, l'un qui n'avait que quelques mois, et l'autre âgé d'unan de plus. L'absence du père dura plus de cinq ans.
Un matin que madame Leblond venait de faire faire à ses enfants leursprières, elle entendit l'aîné qui disait au plus jeune:—Ça m'ennuie deprier le bon Dieu et de le remercier; le vois-je? me donne-t-il quelquechose? La mère fut profondément affligée de ce propos impie; elle allaitappeler l'enfant pour le réprimander et lui faire une instruction,lorsqu'on apporta une caisse que son mari lui envoyait. Les enfantsaccoururent et ils virent qu'il y avait dans la caisse de belles étoffespour leur faire des habits ainsi qu'à leur mère, des confituresd'ananas, d'autres sucreries d'Amérique, enfin de l'argent pour achetertout ce qui était nécessaire aux besoins de la famille. Il y avait aussiune lettre dont la mère lut à ces fils ce passage: «Dis à mes chersenfants qu'ils soient toujours bons et sages, nous serons bientôtréunis. Quand ils pourront être auprès de moi, je leur ferai desprésents bien plus beaux que ceux contenus dans la caisse.» Adolphe, ditla mère à son fils aîné, crois-tu que ton père existe? tu ne l'a jamaisvu.—Oh! maman, j'en suis bien sûr: d'abord vous m'en parlez toujours,et puis voilà des cadeaux qu'il nous envoie, sans compter les bellespromesses qu'il nous fait dans sa lettre.—Bien, mon fils; mais commentdoutes-tu de l'existence de Dieu? je t'en parle tous les jours, lalumière du soleil, les fruits, les fleurs, tout ce qu'il y a de bon etde beau sur la terre, sont des présents qu'il fait à chaque instant àtoi et à tous les hommes. Le saint Evangile est un écrit qu'il a dictélui-même, et par lequel il nous promet à tous un bonheur éternel si nouslui témoignons notre reconnaissance par une bonne conduite: tu voisbien que tu as les mêmes motifs de croire à l'existence du bon Dieu quede croire à l'existence de ton père.
Un marchand, parti de bon matin, se rendait à la ville voisine. Il étaità cheval et avait une valise remplie d'or et d'argent, car il voulaitfaire de grands achats. Il tombait une pluie violente, et l'eauruisselait sur les vêtements du pauvre homme.—En vérité, disait-il,Dieu, qui fait tomber la pluie quand il veut, aurait bien pu attendrejusqu'à ce soir!
La pluie cessa et le marchand arriva sur le bord d'un grand bois qu'illui fallut traverser. Quand il fut au milieu, il vit paraître deuxvoleurs qui lui crièrent d'arrêter, et comme le marchand se sauvait detoute la vitesse de son cheval, chacun d'eux voulut lui tirer un coup defusil, mais la longue pluie avait mouillé la poudre des voleurs, etleurs fusils ne partirent pas.
Quand le marchand fut sorti du bois, il éleva les mains au ciel etdit:—O Jésus, mon Dieu, j'ai murmuré contre vous et contre la pluiequ'il vous plaisait d'envoyer, parce qu'elle m'incommodait dans monvoyage. Cependan